par Manon Beaulieu
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11 avr., 2022
J’ai 21 ans, je suis photographe et je ne peux plus exercer mon métier. Les élans de solidarité naissent partout en France : je veux, moi aussi, me rendre utile. Vendredi 27 mars, je reçois par message une annonce pour un besoin de personnel. La maison de retraite de ma commune cherche des aides-soignants et des agents de service. Peut être un signe ? J'appelle le jour même et propose mon aide, mon interlocutrice semble émue de ma proposition. Lors de mon premier jour, je suis merveilleusement bien accueillie par la directrice et les titulaires. Pendant cette journée, je suis une collègue, un résident lui demande si elle a peur. Cette question m'interpelle, devrais-je avoir peur ? Sa réponse est sans équivoque “ pas du tout “, sa confiance et son aplomb me rassurent. Jour après jour, j’évolue dans un environnement que je ne connais pas : le social, l'aide à la personne. Travailler dans une maison de retraite ? J'aurais sûrement répondu “jamais” avant cette expérience. Je commence à tisser des liens avec les résidents. Prendre de leurs nouvelles, les écouter et parfois les entendre me souhaiter “bon courage”, ça a l'effet d'un baume apaisant sur des blessures invisibles. Invisible comme le virus. Au fil des semaines nous avons vu, découvert, appris, malgré nous, le penchant pervers de cette infection. Mon empathie naturelle me joue des tours. Je ressens une certaine difficulté à garder le moral. La larme à l'œil, je quitte la chambre d'une malade sous oxygène. Il y a encore une semaine elle était en pleine forme. A ce moment là, j'ai mal, mais je ne flanche pas, l'énergie et le courage de mes collègues me poussent à continuer. Les résidents restent dans leur chambre aucun contact avec leurs voisins n’est autorisé. Leur moral tombe en flèche. La directrice et l'infirmière réfléchissent à un moyen de permettre aux résidents de voir leur famille sans les mettre en danger. Je tiens et je découvre de belles choses. Nous assistons à des rencontres aux moyens particuliers, un papa et sa fille communiquant au travers d'une vitre, une maman qui attend sa fille au pas de sa fenêtre. Le confort et le moral de ces personnes âgées restent la priorité. Une aide-soignante prépare une résidente pour la rencontre avec sa famille. Elle organise cette entrevue tant attendu avec quelques gestes simples : enlever un vieux vernis, appliquer une nouvelle couleur, brosser ses cheveux, appliquer un peu de rouge à lèvres. Ses yeux pétillent à l’idée d’être belle pour voir ses enfants. A ce moment-là, la complicité entre la résidente et l’aide soignante est palpable. C'est beau et touchant à la fois. Je tombe sous le charme de temps de bienveillance, de générosité et d’attentions. Ici, je ne reconnais pas le portrait que les médias dressent des maisons de retraite. J'en suis aux antipodes, pendant ce confinement c'est comme une capsule d’air pur, rempli de positivité. On se réjouit de petites choses : une fin d'incubation, un sourire, un mot gentil. Pour toute votre énergie et votre courage pour le bien-être de vos résidents, Madame la Directrice, mes collègues, je vous remercie ! Retrouvez les autres photos de cette série sur le site internet dans la rubrique reportage, ou sur instagram. https://www.instagram.com/manbphotographie/